
Nuits parisiennes
Paris, 19h34. Je reçois un message d’Alex, une proposition pour un petit concert dans le 19ième. Pourquoi pas, je regarde sur internet le nom du groupe : Spirit Blues. Je ne trouve rien. Bon signe.
20h45, je sors, direction le métro et on se retrouve avec Alex. On discute de tout, de rien, ça fait plusieurs mois qu’on s’est pas vu et étonnamment on ne fait pas de bilan, comme si on venait de se quitter la veille… Pourtant il s’est passé des choses mais non, on va passer notre soirée parisienne simplement. On arrive à Télégraphe, sortie de métro, les gens vont chacun à leur soirée. On se retrouve devant un bistrot du même nom du métro. Et déjà la musique annonce l’ambiance festive à travers les vitres et la terrasse sur le trottoir. Le Télégraphe est ce genre de bistrot de passage, avec une gueule des années qui ont durées mais toujours debout. Joliment déglingué. On se pose au comptoir et on commande deux Leffes. La bière idéale pour ce genre de soirée, tu ne sais pas vraiment comment on va finir, alors il faut une bière qu’on maitrise et simple à boire. On est alors dans ce bar trop petit pour un concert, et c’est justement tout l’intérêt de cet endroit. Cinq musiciens, un chanteur, du rock de la meilleure époque, et cette population qui n’a ni queue ni tête. Tout le monde se dit : c’est bizarre, on est les seules personnes normales…
Mais la musique rassemble et la magie opère.
Le monde arrive petit à petit, les assiettes de frites survolent nos têtes pour trouver un client, les bières se passent de mains en mains pour atteindre les destinataires, on trinque avec nos voisins, on est bien. Et puis un guitariste, tee shirt usé, barbe et cheveux longs adéquats, se lance dans un solo académique et passionné. Le chanteur reprend « Hey, Joe » dans la foulée. Ca vibre, on est heureux. Mais nos musiciens ont l’air de tirer la gueule, certains lisent des prospectus sur des tables voisines pendant qu’ils jouent… Le bassiste à la moustache ne bronche pas d’un cil, le batteur ne s’emballe pas encore. Malgré ce look ravageur, le ton est bon, le rock est propre, c’est juste parfait, tout le monde tient son rôle et je suis sûr que malgré l’air maussade, ils prennent en réalité tous leur pied. Ici on ne juge pas sur la gueule, c’est en parti ça l’intérêt de s’éloigner du Partis touristique et d’aller retrouver une scène locale où tout le monde se connait, où les jeunes qui sortent de leur session sport passe voir jouer leur copain, le temps d’un verre, de saluer le patron qui lui siffle de tout son saoul à chaque fin de morceau, le voisin se lève alors et va danser dans deux mètres carrés entre le micro et le comptoir, une autre arrive du fond pour se lancer dans un duo effréné, j’ai oublié le titre du morceau, ça n’a duré que quelques minutes et tu sens que ces deux-là ont tout oublié pendant ce court instant, le rosé, la préfecture, les magouilles, tout.
Le groupe à n’en plus finir va tenir jusqu’à la fermeture, dédicaces à l’infini, même Johnny a eu le droit à sa chanson. Les Leffes sont vidées, sûrement deux de trop, mais on ne pouvait refuser les invitations de nos voisins, chacun sa tournée, c’est le jeu…
On finit par sortir et on avait oublié le paysage urbain, la station de métro. On avait l’impression d’être dans un bistrot de campagne.
Le métro, 1h du mat’, les jeunes en folie pour un anniversaire, tout le monde hurle de joie « bon anniversaire Mathilde ! », Alex trouve une tomate sur un siège et la donne à Mathilde en guise de cadeau d’anniversaire, scène burlesque au possible dans ce brouhaha incessant ; encore des rencontres possibles et peut-être une invitation dans une autre soirée, dans un immeuble haussmannien avec des inconnus, où dans une boîte chelou, où au pire aux Furieux qui sera toujours la solution de secours pour fuir la vie et le temps, le temps d’une soirée parisienne…
























